Je suis en lutte contre moi-même depuis aussi loin que je me souvienne en fait, il y a eu des moments plus doux où je me sentais vraiment proche de moi, mais ce mécanisme de lutte a tendance à vite refaire surface. Depuis 5 ans, je me vois tenter en vain de comprendre ce qu’il se passe dans mon corps, tenter mille choses pour aller mieux, le soigner, me soigner, n’ayant pas de diagnostic précis, c’est un handicap invisible qui me suit et avec lequel je danse. Enfin, je dirais plutôt avec lequel je lutte, sans vraiment m’en rendre compte.
À chaque fois que je tente quelque chose pour améliorer la situation, les choses semblent empirer. J’ai pourtant un certain bagage, psychothérapies diverses, médecines allopathiques et parallèles diverses, introspection, développement personnel, formations en tous genres… Je ne me ménage pas.
Mais depuis quelque temps, je me rends compte que toute cette énergie mise dans la guérison est en fait une fuite en avant encore plus intense que ce que je pouvais imaginer. Même lorsque j’essaie de rester présente à mes douleurs ou autres inconforts, avec cette idée de lâcher-prise et d’acceptation, je le fais en réalité avec la ferme intention que ça s’arrête, que tout cela soit enfin terminé et que je puisse « redevenir normal ». Je sais, c’est une illusion, mais son attraction est forte. Et en faisant cela, je continue de renforcer l’idée que quelque chose ne va pas chez moi, que je suis cassée, que j’échoue à être un être humain « normal », et que donc je dois encore trouver quelque chose pour me « réparer ».
Lorsque je m’observe dans ces moments-là, je réalise que je ne veux pas vraiment me connaître. Je me croise sans jamais me rencontrer. Je cherche à m’éviter, à ne pas ressentir ce que je ressens, à ne pas être qui je suis, à transformer tout ce que qui est présent en moi, à ne pas assumer mes envies et mes besoins, j’ai l’impression que je me donne en sacrifice pour devenir différente. Comme pour conjurer un mauvais sort, stopper une malédiction. Il n’y a pas d’amour dans ma démarche, seulement un bourreau qui veut continuer de faire tomber des têtes.
J’ai le souvenir de l’enfant que j’étais, terrorisée de dire ce qu’elle ressentait, paralysée par ses émotions, priant pour que les choses changent d’elles-mêmes, pour qu’elle n’ait jamais à exprimer ses ressentis. J’avais si peur de moi. J’ai l’impression de m’être tellement acharnée à me modifier qu’aujourd’hui, il m’est difficile de retrouver le chemin, et lorsqu’une lumière s’allume à l’intérieur, que je vois clair sur ce qu’il y a dans mon ventre, ce qui m’anime en dedans, immédiatement, comme de par hasard ; ce n’est pas le moment, ou oui, mais non en réalité ce n’est pas vraiment ça, il faut que ça change. C’est une « erreur », un « problème ».
En réalité mes tentatives de guérison étaient des tentatives de contrôle, d’avoir la main, de ne pas perdre la face, par peur de m’écrouler et d’être vulnérable – cassée à tout jamais – irréparable.
La différence aujourd’hui est que je vois ma lutte, j’apprends à la connaître et la découvrir avec ses multiples visages. Accepter que cela fasse partie de moi, aussi difficile et inconfortable que ce soit, c’est probablement un premier pas dans le retour à soi…